Le plafonnement de la hausse du loyer
Dans le cas où le loyer du bail renouvelé devrait être déplafonné, la loi limite la hausse (mais pas la baisse) du loyer à 10 % « du loyer acquitté au cours de l’année précédente ». Ce régime ne concerne pas les baux exclus de la règle du plafonnement, à savoir les baux portant sur des bureaux, des terrains, des locaux monovalents, les baux comportant un loyer binaire (loyer minimum garanti et pourcentage du chiffre d’affaires du preneur), ou une clause de fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative. Il est applicable au renouvellement d’un bail consenti pour plus de 9 ans, mais la loi ne vise pas le bail d’une durée effective supérieure à 12 ans. L’augmentation par dixième, incompatible avec la durée de 9 années, et l’imprécision du mode de calcul du montant des paliers, inciteront les parties à déroger à l’article L 145-34 modifié, qui n’est pas d’ordre public. Pour la fixation du loyer révisé, en application de l’article L. 145-38 ou de l’article L. 145-39 du Code de commerce, le plafonnement de la hausse du loyer s’applique en revanche à tout type de bail, et sans possibilité de clause contraire, s’agissant de textes d’ordre public.
La suppression de l’indice du coût de la construction
Pour le calcul du loyer plafonné (en renouvellement ou en révision), seul l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) seront désormais applicables, l’indice du coût de la construction étant exclu par la loi.Mais, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier n’ayant pas été modifié par la loi, l’indice du coût de la construction demeure licite dans le cadre des clauses d’échelle mobile (indexation).
L’obligation d’établir un état des lieux et un inventaire des charges refacturables
La loi crée un nouvel article L. 145-40-2 qui impose un inventaire précis des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés au bail et l’indication de leur répartition entre bailleur et locataire. Ce nouveau texte fait partie des règles à caractère impératif listées par l’article L 145-15 du Code de commerce, interdisant toute clause contraire. Cet inventaire donnera lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai à déterminer par voie réglementaire. Un décret en Conseil d’état est attendu qui fixera une liste de charges qui ne pourront pas être refacturées au locataire, marquant ainsi la fin du bail « triple net ». Un nouvel article L. 145-40-1 crée l’obligation, lors de la prise de possession des locaux, d’établir un état des lieux d’entrée contradictoire. A défaut, la sanction est sévère puisque le bailleur ne pourra plus invoquer la présomption de l’article 1731 du Code civil qui présumait le bon état des locaux loués. Il s’agit également d’un texte d’ordre public.
L’interdiction de principe du bail ferme
La loi réforme l’article L. 145-4 du Code de commerce en supprimant la possibilité de prévoir que le locataire renonce à la faculté de résiliation pour le terme d’une période triennale. A ce principe d’interdiction d’ordre public, la loi prévoit quatre exceptions légales pour les baux conclus pour une durée supérieure à 9 ans, les baux consentis à usage exclusif de bureaux, les baux portant sur les locaux monovalents et les baux portant sur les entrepôts logistiques indépendants.
Le bail dérogatoire de trois ans
La loi porte la durée du bail dérogatoire de 2 à 3 ans. Sa transformation automatique en bail commercial est reportée à l’expiration d’un délai d’un mois suivant son terme. Mais désormais, la loi interdit expressément tout renouvellement du bail dérogatoire à l’expiration du délai de 3 ans, ce qui pourrait condamner la jurisprudence antérieure qui permettait la conclusion d’un nouveau dérogatoire en cas de renonciation valable au bénéfice du statut des baux commerciaux.
Le droit de préférence du locataire en cas de vente des murs
La loi crée au bénéfice du locataire, en cas de vente du local loué, un droit de préférence analogue à celui qui existe en matière de baux d’habitation. Il faudra désormais expressément exclure un droit qui auparavant n’existait que s’il était prévu au contrat.
Les transferts d’activité facilités
La loi ajoute aux cas de cession du fonds de commerce, de fusion et d’apport partiel d’actif déjà prévus par l’article L. 145-16 du Code de commerce, la transmission du plein droit du bail, nonobstant toute clause contraire, dans les hypothèses de scission et de transmission universelle du patrimoine.
Dans le cadre d’un plan de cession de l’entreprise faisant l’objet d’une procédure collective, le Tribunal pourra autoriser l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires à celle qui est prévue au bail (déspécialisation partielle).Dans le cadre d’une cession, la garantie solidaire du cessionnaire par le cédant est désormais limitée aux trois années suivant la cession, et le bailleur doit aviser le cédant de toute défaillance de paiement dans le mois.
La loi autorise les communes à déléguer l’exercice du droit de préemption prévu par les articles 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme en cas de cession de fonds ou de droit au bail et le délai de rétrocession est porté de 2 à 3 ans.
Le congé par lettre recommandée autorisé
Alors qu’antérieurement seul un congé notifié par exploit d’huissier était valable, la loi autorise désormais les parties à donner congé par lettre recommandée avec accusé de réception. La demande de renouvellement doit toujours être notifiée par acte extra-judiciaire.
Un ordre public élargi et une sanction alourdie des clauses contraires
La loi ajoute des règles d’ordre public en modifiant certains des articles visés par les articles L. 145-15 et L. 145-16 : faculté de résiliation triennale (L.145-4), transmission du plein droit du bail en cas de scission et de transmission universelle du patrimoine (L. 145-16 alinéa 2), état des lieux (L. 145-40-1), liste des charges locatives et état récapitulatif des travaux (L.145-40-2), les nouveaux articles L.145-16-1 et 145-16-2 modifiant le régime de la clause de garantie solidaire.
Les clauses contraires à l’ordre public sont désormais « réputées non écrites » au lieu d’être nulles ; la sanction est donc renforcée car aucune régularisation ni aucune prescription ne peuvent être invoquées.
Entrée en vigueur de la loi nouvelle
En principe, la loi est entrée en vigueur le lendemain de sa publication (à partir du 20 juin 2014) et s’applique aux contrats signés à compter de cette date. L’obligation d’établir un état des lieux de sortie est toutefois applicable à toute restitution, dès le 20 juin 2014, d’un local loué par bail (dérogatoire, commercial ou professionnel relevant de l’article 57A) conclu avant l’entrée en vigueur de la loi, pour lequel un état des lieux d’entrée a été établi.
L’article 21 de la loi diffère l’entrée en vigueur de certaines dispositions : celles concernant le bail dérogatoire, la suppression de l’ICC, le lissage de l’augmentation du loyer, ainsi que l’état triennal des travaux du bailleur s’appliqueront aux contrats conclus ou renouvelés à compter 1er septembre 2014. L’exigibilité de l’inventaire des charges locatives et impôts est subordonnée à un décret d’application à intervenir. Le droit de préférence du locataire s’appliquera aux actes intervenant à compter du 6ème mois qui suit la promulgation de la loi.
Rien n’est précisé s’agissant des dispositions à caractère obligatoire ni de celles qui modifient les conditions d’un droit de nature statutaire, qui pourraient être d’application immédiate aux contrats en cours avant l’entrée en vigueur de la loi.